je mets aujourd’hui en ligne la nouvelle de Diane-Clélie de Buschère. Pour lire d’autre nouvelles écrites cette année par les lycéens de Joliot-Curie de Sète, vous pouvez allez ici ou encore ici.
Perdu avec traces.
Dans le silence d’un couloir, je marchais, seul. Ce grand et long couloir dont on ne voit pas la fin, juste la lumière qui brille, qui annonce le bonheur et la liberté. On a envie de la prendre dans les mains, cette lumière si pure, si étincelante, de partir avec elle, toujours plus loin, et ne jamais revenir, s’enfuir au bout du monde. Mais je reste dans ce sinistre couloir noir, sans bruit et sans mouvement ; ce couloir mort de toute évidence. J’observais le lieu dans lequel je me trouvais et essayais de percevoir quelque chose, mais non, rien n’y faisait, ce couloir était bel et bien sans vie. Plus personne ne vient dans ce couloir, on l’évite car les gens en ont peur. Ils s’en méfient, ils n’ont pas confiances en la peur car c’est une sensation obscure, négative dont on se passe volontiers. Alors ils délaissent ce couloir, pour ceux pleins de vie et de bonheur, où tout le monde se bouscule. Mais dans le mien, triste et noir, qui sert de bon refuge, personne ne viendra vous déranger. Enfin, personne jusqu’au moment où je la vis, en train de danser dans mon couloir.
Je vis tout d’abord son ombre onduler sur le mur, face à moi, de plus en plus grosse ; elle s’avançait vers moi, sans le savoir. Lorsqu’elle me vit, elle s’arrêta net, mais ses cheveux bruns qui lui arrivaient en bas des seins continuaient de suivre le mouvement qu’elle avait commencé à faire : ils tournaient autour d’elle comme la terre autour du soleil. Mon regard resta figé sur son visage à peine bronzé, et resta bouche bée devant ses grands yeux ébahis de la couleur d’un océan clair. Sa silhouette fine et parfaitement dessinée était en contraste avec le milieu qui l’entourait. Nous restâmes bien une minute à nous contempler sans dire un mot, avant qu’elle ne glisse un léger sourire et parte en courant vers le lieu d’où elle venait. Il me fallut quelques secondes avant de comprendre ce qui venait de se passer, et sans savoir pourquoi, je me mis à courir pour la rattraper. Mais le couloir que je venais d’emprunter donnait sur un autre. Je pris le côté gauche, en marchant sans savoir où il allait me mener. A la fin de celui ci se trouva une porte verte, en acier, que j’ouvris avec une légère boule au ventre. La porte grinça, comme pour prévenir de mon arrivée. La pièce dans laquelle j’entrai, était sombre et grande, avec plusieurs colonnes alignés sur les cotés. Au plafond, à peine trois petites ouvertures qui devaient servir à laisser passer la lumière mais je vis la noirceur du ciel et devinais qu’il faisait nuit. Je vis d’ailleurs la lune qui, ce soir, avait décidé de se mettre en forme de croissant. Seul, je me dirigeai vers une colonne et m’assis contre elle pour admirer la beauté de cet astre.
Assis par terre, j’attendis que l’heure passe, tout doucement. Elle prit son temps, comme il fallait. Elle me rendait impatient. Elle me narguait. Elle me regarda droit dans les yeux, comme pour dire :
« Tiens, attends encore un peu, ça te fera du bien. Apprends à attendre. Il faut que tu apprennes à attendre ».
Bien sur, quand tu es petit on te demande de tout savoir, apprendre à lire, à parler, à écrire, à calculer. Mais on ne te demande pas d’apprendre à attendre. Car l’attente, c’est bien quelque que chose de « chiant ». On attend pour que quelque chose arrive. On peut savoir ce qu’on attend, comme la sonnerie qui annonce la fin des cours, notre train ou notre bus, des choses précises. Ou on peut attendre un événement, n’importe lequel. Un événement qui nous fera sortir de notre attente. Presque de notre ennui. Car ces deux choses là vont ensemble. Quand on attend trop, on s’ennuie. Mais on dit que l’ennui à quelque chose de bon, que ça laisse l’imagination vagabonder.
Que tout ce forme. L’univers s’est peut-être créé comme ça, il attendait trop, il s’est ennuyé et à force d’imaginer, il s’est créé. Une belle hypothèse. Alors si on imagine, on peut créer des choses magnifiques. Oui mais aujourd’hui, on ne s’ennuie plus, toujours trop de choses à faire, alors on n’ imagine plus. On ne crée plus rien. Si, on crée le néant. Le néant de l’imagination, là où rien ne se créé.
C’est un cri, qui me sortit de mes pensées. Un cri strident, qui fit résonner les murs. Je me levai dans un sursaut, sortis de la pièce, et me dirigeai vers ce bruit qui annoncait la peur. Les couloirs du bâtiment étaient tellement étroits et les virages serrés, que je me pris à plusieurs reprises les murs cachés. Je me rapprochai de plus en plus du cri, je le sentais. C’est alors que je vis la fille, assise dans un coin, recroquevillée sur elle même. C’est avec prudence que je m’avançai vers elle.
Ses yeux brillaient tellement les larmes avaient coulé sur son visage clair et fin. Je me posai à coté d’elle, mais elle se relava aussitôt et avec un son grave et plein de tristesse, elle me fit un adieu et repartit, comme avant, en courant. Je mémorisai vite une description de sa personne, avec le sac kaki qu’elle avait laissé à coté de moi, sans s’en rendre compte. Elle semblait banale, comme tout le monde, mais moi, je la trouvais originale. Lorsque j’ouvris son sac, par curiosité, je trouvai un CD de « Public Ennemy » et dans la même boite, un des « Rolling Stones ». J’en déduisis qu’elle écoutait du vieux rock dur ; c’était sûrement une manière pour elle de penser, de rêvasser et de faire passer le temps. Dans une des poches intérieures, je trouvai un médiator usagé, une sorte de petit porte bonheur, avec un ticket de caisse datant de quelques mois qui était la trace de l’achat d’une guitare. Son défaut devait être la gourmandise, elle ne pouvait sûrement pas passer la journée sans manger quelque chose de sucré, de bon, de doux sur la palais. Le chocolat, en particulier, devait être sa petite drogue personnelle, car elle avait gardé toutes les boites de gâteaux, un petit trésor. Elle avait aussi dans son sac un petit carnet noir avec un stylo bleu. Elle écrivait n’importe quoi, ses pensées, ses idées, ses journées... Une sorte de journal intime, malgré le fait qu’elle n’aimait pas l’appeler comme cela. Elle préférait le terme de « Journal des pensées » comme il était écrit sur la première page. A la fin du carnet se trouvait une petite enveloppe froissée destinée à son père, qui vivait désormais bien loin d’elle. Elle ne devait pas avoir assez de courage pour l’envoyer. Elle faisait quelques fautes d’orthographe, mais cela ne la décourageait pas pour écrire car elle aimait ça. D’ailleurs, il y avait un vieux dictionnaire que lui avait offert son père pour ses dix ans, comme l’indiquait la petite note qu’il avait écrite, et c’était le seul cadeau qu’il lui avait fait.
Elle disposait de deux lampes frontales, c’était plus pratique quand elle visitait, comme à son habitude, les vieux bâtiments abandonnés, seule dans la nuit comme le décrivait son carnet. Au moins elle n’avait pas les mains encombrées avec des lampes torches. C’est d’ailleurs dans l’un de ces endroits sinistres que je l’ai rencontrée.
mardi 14 juin 2011, par