le sang qui coule, se répand, s’infiltre, partout, dans les joints du carrelage blanc comme dans le sable, rejoint les nappes profondes pour ensuite, lentement, monter au ciel − le rouge y est largement visible les soirs d’été − et retomber en pluies modulables à l’envi, bruine rouge, ondée rouge, giboulée rouge, averse rouge, grêlons rouges, flocons rouges, il est incessant ce cycle, il est continu ce sang qui nous parle en nous traversant, toujours le même et toujours différent, ce sang me parle et moi l’obtus je vibre, je suis du béton frais sous les bris des paroles charriées, pilées, concassées, réduites en aiguilles fines qui n’entaillent pas mais percent et s’enfoncent, et sous sa langue étrangère d’autres encore, d’autres langues qui frayent leur route
Je m’appelle
Je m’appelle je
Je
Je je
Je m’appelle
On m’appelle
Je viens
Je viens de
Je
Je
Je
Je ici
Je m’appelle je viens on m’appelle je viens
Je suis ici parce que
Je cherche
Je suis ici parce que je cherche
Je cherche
on m’appelle je cherche
Je
Je
Je m’appelle Karma je m’appelle Sunee
je m’appelle Natalia Oksana Elena je m’appelle Beautiful Golden je m’appelle Brahim je m’appelle Djamila Mohammed Mariem je m’appelle Rosalie on m’appelle je viens je m’appelle Clara je m’appelle Abdelkader on m’appelle je viens je m’appelle je m’appelle je m’appelle comment tu t’appelles je m’appelle Sékou je m’appelle Reza Maria Malika je viens d’Algérie je m’appelle Raïssa
je m’appelle Shatterjee je viens du Bangladesh, c’est là que les problèmes ont commencé
je m’appelle Mamadou je m’appelle Kindezi
je m’appelle Abbas, je viens d’Algérie, c’était mon premier voyage hors de notre village et des environs, mon premier contact avec la ville : le train, Alger, le bateau, la France… les 17 et 18 novembre 1951
Je viens de Nanning, Chine, je viens du chili d’Algérie du Maroc du Sénégal je suis un algérien d’Alger je viens de je viens de Tunisie je viens de Côte d’Ivoire de Bolivie de Haïti
je viens de Sibérie je suis née à un mauvais moment, il y a plein de tiques à l’automne, j’ai eu le malheur de naître en Sibérie orientale et au mois de mai ce qui a eu pour conséquence que j’ai été mordue par une tique à l’automne
je viens je m’appelle
on m’appelle je viens
je viens de Thaïlande j’étais entraineuse à Patpong, je viens de Kyoto je viens de Peshawar, nous n’avons jamais connu de conditions normales, je viens de Kyoto, je possédais un aquarium avec 30 poissons rouges dedans juste pour le plaisir, je viens de Thaïlande, province 101, je viens du kazakstan, Sarykamys, on est partis à cause du soufre, que pouvions-nous faire d’autre ?
Le titre de cet article est également le titre d’un ouvrage de Pierre Tilman.
mardi 10 mai 2011, par