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espaces partagés

textes produits à partir de "La chambre" de Pérec et de celle de Jane Austen qui, comme l’explique Virgina Woolf dans Une chambre à soi, écrivait dans son salon et "cachait ses manuscrits ou les recouvrait d’une feuille de papier buvard" dès que quelqu’un d’étranger à la famille (visiteurs et domestiques) pénétrait dans la pièce...

Si les autres participants souhaitent m’envoyer leurs textes, je peux les mettre en ligne à la suite, n’hésitez pas


Je suis attablé sous la rampe du « Train bleu ».
Le Train Bleu, la Gare de Lyon
J’ai commandé mon petit- déjeuner, avec une tasse toute bleue.
Un pigeon trottine à mes pieds
Et picore des miettes éparpillées
« Le train 6452 en provenance de Vintimille, Nice et Marseille va entrer en gare ! »
« Le Train Bleu », je ne l’ai jamais pris mais j’en ai souvent rêvé.
(A l’époque, on prenait plutôt « Le Mistral » le train de jour en tôle ondulée.) :
« Cook Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens »,

J’enjambe le marchepied du wagon bleu . Le Steward en uniforme brun à la casquette sans visière, s’empare de ma valise « Par Ici Monsieur », il ouvre la cabine toute laquée d’acajou, apprête la couchette, entrouvre la couverture tapote l’oreiller et lisse le drap satiné.. « Bonne nuit, Monsieur ! -dit-il la main ouverte- : S’il Vous plaît ! » « Ah, Oui, bien sûr ! »

« S’il Vous plaît ! » « Avez-vous du feu ? » « Non, je ne fume pas ! » C’est un clochard qui s’adresse à moi.. Je laisse tomber deux Francs dans sa casquette 2F. Deux nouveaux Franc (0,30 euros !)

Clochard, ça me rappelle notre nuit dans les jardins du champ de Mars, je dis « notre » car je suis avec Edith. Nous sommes revenus de Corse fauchés, tondus, crasseux.. On a pris place à la tombée de la nuit sur la pelouse à l’abri d’une corbeille.. Les flics sont venus nous déguerpir. Nous avons du quitter la pelouse où j’avais étendu mon duvet.
On reprend marche, nos sacs à dos au dos, et nos fringues qui sentent le suint et les relents de feux de bois lors de campements sauvages.
Nous traversons l’esplanade des invalides quand, dans le caniveau, je trouve un paquet de « Luky Strike ». Il ne reste que deux clopes et quelque chose de plié sous la cellophane, un billet de 100 francs 100 NF.
Nous sonnons à l’entrée d’un hôtel rue Surcouf, un hôtel à une étoile, un hôtel borgne, quoi !
Le lit est tout froissé, l’odeur du parfum bon marché
De la prostituée
Qui nous a précédés
L’odeur de savon et de serviette mouillée
Tacheté de chiures de mouches
L’abat jour
Le papier peint crasseux aux motifs de Jouÿ.

Je paye mon petit déjeuner, et me dirige vers le panneau d’affichage..
« Le train 9856 est annoncé voie 3 ! »
« Vous pouvez pas faire attention, vous m’avez fait mal avec la roulette de votre chariot ! »
« Pardon ! Excusez moi ! »
Enfin, je retrouve Arlette, voiture 6 place 86..
« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? , On va chez moi ou chez toi ? »
« Chez toi, Pile, ! Chez moi : Face ! »
Face !
On grimpe l’escalier de service (J’habite une chambre de bonnes au 7ème)
Au premier, je lui pince les fesses.
Au second on rencontre un monsieur
Un monsieur qui descend du troisième
On prend un air sérieux :
« Pardon-Excusez-moi- Je n’en ferai rien !- Mais après vous- Merci !
Bien, sûr entre le quatrième et le septième on se bisotte à perdre haleine !
Arrivés au septième, j’entrouvre ma chambrette :
Au mur, j’ai cloué un filet de pêche, un filet à mailles fines
Un filet de pêche à la senne
J’y ai fixé des ormeaux de Cornouaille,
Des boules de chalut de Bretagne,
Des Pinas des Agriates
La Fenêtre est revêtue de VER..
Pas de Ver…RRE Mais de VER..T
J’allume l’applique aux reflet indirec..T
On se défait, on se dévêt, On se RE-uni…T

François


CHAMBRES

Espace- temps.
Quelle importance !
Du désordre dans l’ordre.
De l’ordre dans le désordre.

Enfant, mâle, environ 5 ans, tambourinant fiévreusement sur la sculpture rouillée, maculée de graffitis, abandonnée à son sort d’œuvre ou d’art.
Petite chambre, dans un petit hôtel, dans une petite ville, dans une petite région, dans un petit pays, sur un petit continent, sur une petite boule bleue. Papier où les fleurs ont fui par manque d’amour. Lit grinçant plus vieux que moi. Fuite au lavabo permettant une immersion dans le monde de Cousteau. Mais fenêtre grande ouverte sur la place du marché d’où s’envole le bruissement retentissant de la vie.

Son buste passe. Elle est fière, sérieuse, hautaine. Son visage fermée dit « je sais ».
Chambre d’hôpital, vitre à mi-hauteur. Les troncs des « je sais » passent en lévitation. Aseptisée, froide, impersonnelle ses portes sont ouvertes pour accueillir la mort. Mais je vis.

Clac, clac, clac, clac. Griffes sur le goudron. Médor libre de toutes attaches et de toutes contraintes se pose la question, Sa question : trottoir ou caniveau ?
Chambre d’amour dans un vieux manoir. Chaleur, douceur, corps emmêlés dans la vie.

Un accordéon passe. Son corps porte les caresses de son amant.
Chambre dans une grange envahie par l’odeur du soleil, de l’été, des foins. Des langues mystérieuses s’élèvent dans un brouhaha de rires et de babillages pour s’unir dans un moment de partage avant d’entrer en sommeil.

Petits pas de petite vieille murmurant de petits mots. Pour elle. Elle seule.
Chambre de passage. Le combat est fini. Gagnant ? La vie, la mort ? Rien à faire. Bon voyage.

Cacophonie de trompettes, de pots sans fleurs, de feulements rugissants.
Chambre d’ami. Mon œil s’échappe par l’ouverture de la fenêtre fermée. Le tableau de la nuit étincelle de regards monstrueux de cyclopes, de grottes hantées par une multitude d’anonymes solitaires.

Espace- temps.
Quelle importance !
C’est mon ordre, c’est mon désordre.

L.


Herbe verte

Ça sonne la musique, dans la voiture qui passe, ça brinqueballe. Les voix des femmes qui crient, qui rappellent ceux qui veulent aller jouer, les cyclistes, les enfants dans les poussettes. Les voitures qui passent, passent, comme ma chambre d’enfant. Elle est passée, s’est écrasée comme un météore, une mouche sur la vitre.

Les bottes de la femme claquent sur le trottoir. La statue est immobile. Le pauvre attend sur les marches de la poste qui dit, Ici, solutions de financement à tous vos projets, à tous vos problèmes.
Les chambres passent comme les passants, sans s’arrêter. Une pièce s’il vous plait. Laquelle, laquelle. L’agent municipal tire son charriot à balai. Circulez.

La chambre noire aux draps tendus, Marilyn sourit. Elle est triste.
Les platanes penchent leurs bras vers le sol, le monsieur à la chemise à carreaux fait des signes avec les mains, appelle qui. Sa femme.

Dormir dans un lit d’herbes, une nuit, une aurore. Une sieste sous les arbres, un air d’opéra. Une chambre aux murs épais, à l’abri de la rumeur. Qui tourne le dos à la rivière. Un bouddha aux yeux de chat. Le matin, la cour qui se réveille. Les volets. Forcer pour les ouvrir, soulever la moustiquaire.

Les cyprès sont alignés, les drapeaux au-dessus de l’entrée de la poste au garde à vous.

Ma chambre de semi-étudiante, ma chambre aux fenêtres en ogive, ma chambre dans la clède, ma chambre dans le formule 1, ma chambre avec double matelas dans l’immeuble du quartier populaire du Caire. Le muezzin, les cris des vendeurs, les paniers qu’on voit passer an bout de la corde.

Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Il est assis, lunettes noires mp3 dans les oreilles, canette de bière à côté de lui. Dans le dos, écrit, Le king. Téléphone. Un autre homme passe, téléphone aussi. La petite fille à la robe à pois blancs traverse dans les clous.

La chambre aux grands rideaux blancs. On voit les toits du village, les vignes au loin. S’assoir sur le rebord de la fenêtre. L’armoire grince, on cherche les vieux papiers, les châles au crochet pour s’en couvrir.
Crottes de chien dans le gazon. L’herbe est verte.

Les passants passent. Les femmes portent des cabas, les hommes téléphonent, fument. Hôtel Régina. Combien de chambres, combien de nuits. Pompes funèbres, immobilier AS, médiathèque. Administrations de biens, de chambres. Administrer sa chambre.

Une chambre dans le désert. Quatre bouts de toile tendus, trois matelas, une table, une couverture. Un fennec qui passe, qui regarde.
Le king a trouvé un copain, chauve à queue de cheval. Une petite fille, la tête appuyée sur l’épaule de son père. La petite fille. La mienne. Sous une tente, l’été. Ouvrir la toile, étouffer de chaleur.

Un pigeon sur les marches de l’escalier, picore. Une tourterelle. S’approche. Copain copain.

La chambre partagée, une nuit. Un studio oublié. Petites et grosses voitures, il faut choisir.

La fille Guess, ceinture cloutée, démarche nonchalante. La Poste arrive, le courrier. Vite par ici, il dit le garçon. Descend la rambarde, monte le parapet.

Un bateau. S’allonger. Mal de mer, cabine. Entendre le moteur éructer. Tiens-moi la main, baguette croissants panecillo. Les trottinettes, vite vite.

La statue aux seins énormes trône sur le parvis, jambes écartées. Médiathèque François Mitterrand.

Sabine


Je vois le paysage dans le reflet de la vitre, du ciel bleu qui rentre de
l’extérieur a l’intérieur, je suis où ? Dans une chambre de mon enfance,
au bord de la mer, le bruit du moteur des bateaux ...
Mais ici le passage des gens, un homme avec sa bicyclette et son
sac à dos, un couple uni, une mère et son fils qui lui échappe, le bruit
des voitures.
Retour dans cette chambre je suis dans mon lit, refuge dans lequel je
n’ai pas envie de sortir
- une dame passe avec une robe turquoise et des chaussures fushia
- de mon lit je vois le ciel et le haut des pins
- un monsieur âgé passe vacillant sur ses 2 jambes, des enfants crient,
les roulettes de la poussette font du bruit sur les pavés.
Une autre chambre plus récemment en Provence, immense avec une
grande armoire et des pavés rouges, le bruit du tracteur c’est les
vendanges
- cette mobylette fait trop de bruit, de quoi réveiller toute une rue
- le vent sur moi balaye mes souvenirs d’un endroit a un autre, dans
lequel rester lequel est le plus confortable ? vie actuelle, souvenirs ...
Un pigeon me tient compagnie marchant tranquillement autour de moi.

Cécile de Bournet

jeudi 29 septembre 2011, par Juliette Mézenc

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