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comme un bébé

écrire c’est s’arracher (tous les sens, intransitif et aussi transitif – à cette taie qui recouvre mon regard et mes gestes, à ma crasse, étroitesse, bêtise noire etc.)
s’arracher n’est jamais facile, pas toujours possible, toujours joyeux et toujours douloureux
et surtout toujours à recommencer, faut être un peu buté, oui, être buté ne fait pas de mal dans ce genre d’entreprise qui eut pas mal d’exemples
j’envie férocement et tendrement ceux qui semblent garder liberté et souplesse dans les mouvements sans avoir recours à ce travail de mineur, obscur et assez peu gratifiant
en même temps processus vital pour moi, depuis quelque temps repéré, sinon j’éviterais, sur le champ je prendrais un travail rémunérateur et reconnu d’utilité publique par les autorités (j’ai déjà plusieurs fois essayé, même vendu des cordages de tennis, plus que d’utilité c’est de santé publique qu’il s’agissait, sauf la mienne)
je n’ai d’autre choix qu’être libre (avec tous les guillemets qui s’imposent) et parait que ça se paye
donc : je m’escrime, je lutte avec ma langue, parce que je n’aime pas ma langue, je n’aime pas les mots en général, ou plutôt je les aime et ils me font horreur, souvent je les trouve suspects, voire balourds, ou encore archi cuculs, pire : hautains. Très peu de situations/configurations dans lesquelles ils me libèrent (et là je les aime, j’y parviens), j’écris pour me débarrasser de l’écriture, j’écris pour un jour arrêter d’écrire, être dégagée de cette astreinte
mais je suis lucide, je sais qu’il n’y a pas de seuil, qu’il me faut à chaque instant recommencer, qu’on ne peut que gagner du terrain, s’obstiner dans des exercices sans fin d’endurcissement et d’assouplissement, et ainsi peut-être accroître, élargir son territoire
mais si tu arrêtes dis-toi bien que c’est mort
je cherche à démembrer les phrases oui leur faire rendre leur jus, pas les défigurer, que ce soit léger et sauvage, je veux des textes qui déchirent
Je voudrais prendre une grande inspiration
mais j’apprends qu’il vaudrait mieux que j’apprenne à respirer comme un bébé

vendredi 23 septembre 2011, par Juliette Mézenc

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ISSN 2428-6117
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