Dernière nouvelle (last but not least) de John Skinner. Enjoy.
PuPu
Elle est jardinière
Elle marche pieds nus sur la terre, terre noire – rouge – sanguine.
Des fois vêtue comme une nymphe, des filets sur les bras, des filets sur la tête, sur les yeux, fil de fer entre les dents.
Matinale, tôt le matin, pieds nus, elle est visible près de la place principale de la ville, tirant, à l’aide d’une corde sur l’épaule, une palette de bois pleine des choses qu’elle a ramassées pour son jardin.
Un ballon percé
Petit vélo, rose, sans pneu ni siège
Des branches coupées d’un arbre
Journaux
Drapeaux
Moulinet
Fleurs plastiques
Des fois elle porte des plumes dans les cheveux, derrière les oreilles.
Derrière un portail de fer se trouve son jardin, encerclé par les immeubles, invisible de la rue.
Elle marche pieds nus sur la terre, terre noire – rouge – sanguine
Elle sent la terre avec les pieds
Elle bouge la terre avec les pieds
Elle tourne la terre avec les pieds
Les mains aussi.
La terre noire – rouge – sanguine, souple, granuleuse, délicate, talcoise quand elle, la terre, a séché. Onctueuse quand elle, PuPu, l’arrose.
Elle prend une poignée de terre
Elle la renifle
Elle appuie avec l’index sur la terre
Elle la teste avec la pointe de la langue.
Des fois elle reste mains enterrées jusqu’aux poignets, les doigts rhizomes, tubercules, en contact avec les micro-organismes, les spores, les racines anciennes, réseau des racines. Elle sent la distance avec les doigts tubéreux, les indications de la terre. Elle jouit des indications.
PuPu avait vingt ans quand elle a hérité de la petite maison de sa grand-mère, située à côté du grand hangar du garage Renault.
Deux fenêtres en haut, deux en bas, porte d’entrée au milieu. Dessin d’un enfant. Jardin devant : jardin de béton.
PuPu a travaillé pour enlever le béton. Coups de marteau. Elle a moulu le béton avec. Les moutures, des fois fines, des fois moyennes, des fois brutes, elle les a mélangées avec la terre.
Elle prend une poignée de terre
Elle la renifle
Elle appuie avec l’index sur la terre
Elle la teste avec la pointe de la langue.
D’après les indications de la terre
Elle plante des fruitiers
Châtaigniers
Citronniers
Pêchers
Poiriers
Pommiers
D’après les indications de la terre
Elle plante des légumes
Haricots - verts
Pommes - de - terre
Pommes - d’amour
D’après les indications de la terre
Elle plante des herbes
Confirie
Echinacée
Millepertuis
D’après les indications de la terre
Elle garde
Des pigeons dans un pigeonnier qu’elle a construit dans une des chambres de la maison (oeufs corps crottes)
Des poulets dans un poulailler dans le jardin (oeufs corps crottes)
Des cailles près du poulailler (oeufs corps crottes)
D’après les indications de la terre
Elle mélange toutes les ordures de sa cuisine et de son ménage avec la terre
D’après les indications de la terre
Elle mélange toutes les ordures de son corps avec la terre
Chaque matin, le garagiste embrasse PuPu trois fois généreusement sur les joues et offre des mots :
Bon travail
Tu travailles bien
Quelle merveille de travail
Chaque matin elle embrasse le garagiste trois fois généreusement sur les joues et lui offre une barquette des produits de son jardin
Après cinq ans, le béton est tout enlevé, la terre est profonde, féconde
Le garagiste lui donne le grand hangar et le terrain associé.
Il prend sa retraite.
Il commence à travailler comme bénévole avec PuPu
Ils commencent de moudre le hangar, les machines également
Les moutures, des fois fines, des fois moyennes, des fois brutes, ils les mélangent avec la terre.
Ils les mélangent avec de terre.
Ils prennent une poignée de terre
Ils la reniflent
Ils appuient avec l’index sur la terre
Ils la testent avec la pointe de leurs langues.
Derrière le portail de fer, invisible de la rue, le jardin devient plus grand
Après quelques années, ils ont moulu toutes les machines et le hangar et tous les bâtiments à côté. Il reste seulement la petite maison de la grand-mère et les façades qui font face aux quais et aux autres rues.
Derrière le portail de fer, invisible de la rue, le jardin est arrivé à quatre mille trois cent mètres carrés.
Enorme
Une mare, encerclée de roseaux nettoyant l’eau usée.
Arrivent des canards et des oies du Canada et de la Russie (oeufs - foies - crottes).
Derrière le portail de fer, le jardin, invisible de la rue.
Matinale, tôt le matin, elle, PuPu est visible sur les quais, tirant, à l’aide d’une corde sur l’épaule, une palette de bois pleine des choses qu’elle a ramassées pour son jardin.
Sur le quai elle rencontre une copine d’école. FeFe, madame la mairesse de la ville. Elle, FeFe était assise sur le pare-chocs de son quatre-quatre. Elle enlève la crotte de chien de ses talons. Elle râle.
Merde
Merde
Merde
PuPu murmure dans l’oreille de la mairesse et explique qu’elle, PuPu, peut résoudre son problème de crottes de chiens dans les rues de la ville.
Elle passe un coup de chiffon sur les talons de la mairesse
FeFe l’embrasse très fort trois fois généreusement sur les joues
Souriant
En faisant oui avec la tête
PuPu est subventionnée par la mairie
PuPu va devenir marraine-fée de la mairie.
Elle, PuPu, regarde la crotte sur le chiffon
Elle, PuPu, la renifle
Elle, PuPu, appuie avec l’index sur la crotte.
Elle, PuPu, la teste avec la pointe de la langue
Elle, PuPu, pense qu’elle, la crotte, manque de quelque chose.
Dans toutes les boîtes aux lettres du quartier et sous tous les essuie-glaces de toutes les voitures du quartier un flyer - avis - pub.
Matinale, tôt le matin, elle, PuPu, ouvre le portail de son jardin. A l’entrée elle met un paravent et une table tréteau. Sur la table, nourriture pour chiens.
Les gens du quartier viennent
Avec les crottes de leurs chiens
Les petites, les moyennes, les grosses.
Derrière le paravent
Elle, PuPu, regarde les crottes dans les boîtes
Elle, PuPu, les renifle
Elle, PuPu, appuie avec l’index sur les crottes.
Elle, PuPu, les teste avec la pointe de la langue, savoir si elles, les crottes, manquent de quelque chose.
Pour chaque cadeau de crotte, elle redonne une barquette – recyclable, le nom du chien écrit sur l’extérieur. A l’intérieur – nourriture pour chiens, prescrite précisément pour chaque chien. D’après l’examen des crottes.
Protéines – viandes : des fois du lapin, des fois du pigeon, des fois du canard, des fois des fruits de mer
Vitamines – légumes, des fois des haricots verts, des fois des pommes de terre, des fois des pommes d’amour. Fruits, des fois des pommes, des fois des citrons, des fois des pêches, des fois des châtaignes
Herbes - des fois millepertuis pour l’esprit, des fois échinacée pour le bien être, des fois comfirie pour courage.
Des fois une mignonette d’eau de vie de poire, gnôle à mamie, des bons rêves.
Conseil – hachez tout, laissez cru, faites manger le chien.
Après un mois
Aucune crotte sur les trottoirs du quartier
Les chiens se comportent mieux
Les chiots.
Matinal, tôt le matin
Une femme devant le portail de PuPu avec son vieux chien, César, en laisse, se comporte comme un chiot.
César se comporte comme un chiot.
Elle, la femme, elle est fatiguée.
PuPu la regarde, un long regard lent.
PuPu la regarde, extérieurement – intérieurement
PuPu voit l’extérieur et l’intérieur
PuPu lui conseille de revenir le lendemain avec sa propre crotte, et celle de César comme d’hab
PuPu lui dit qu’elle, la femme, se sentira mieux.
Matinale, tôt le matin
La femme est là avec sa crotte, toutes les ordures de sa cuisine et de son ménage.
Derrière le paravent
Elle, PuPu, regarde la crotte
Elle, PuPu, la renifle
Elle, PuPu, appuie avec l’index sur la crotte
Elle, PuPu, la teste avec la pointe de la langue
Elle, PuPu, pense qu’elle, la crotte, manque de quelque chose.
Pour le cadeau de crotte, les ordures de sa cuisine et de son ménage elle reçoit une barquette recyclable pleine de nourriture prescrite particulièrement pour elle.
Protéines – viandes : des fois du lapin, des fois du pigeon, des fois du canard, des fois des fruits de mer
Vitamines – légumes, des fois des haricots verts, des fois des pommes de terre, des fois des pommes d’amour. Fruits, des fois des pommes, des fois des citrons, des fois des pêches, des fois des châtaignes
Herbes – des fois millepertuis pour l’esprit, des fois échinacée pour le bien être, des fois comfirie pour courage.
Des fois une mignonette d’eau de vie de poire, gnôle à mamie, des bons rêves.
Conseil – légèrement cuisinez-les et mangez les tous.
Après un mois
Elle, la femme, se sent mieux
Elle promène César avec plaisir
Elle, MiMi, devient bénévole dans le jardin de PuPu
Elle rejoint GiGi et le garagiste son mari
FeFe, madame la mairesse, elle est très contente. Elle est visible souvent, bien bronzée, souriant dans les pages des journaux
Bientôt PuPu, MiMi, GiGi, le garagiste son mari, et d’autres bénévoles ouvrent des jardins derrière les portails de fer dans tous les quartiers de la ville.
INTERVALLE – CREPUSCULAIRE
Imaginez, si vous pouvez, une femme à genoux par terre, mains enterrées jusqu’aux poignets, yeux fermés.
Imaginez, si vous pouvez, ce qu’elle prend, quand elle prend les indications de la terre, et qu’elle jouit des indications.
Imaginez, si vous pouvez, l’extérieur de son corps en contact avec la terre, sol, saleté, crotté par la terre, son corps en contact avec les molécules, les micro-organismes, les spores, les racines, racines anciennes.
Imaginez, si vous pouvez, un échange de molécules, de micro-organismes, de spores, de racines, précisément prescrit pour votre compréhension du monde.
Imaginez, si vous pouvez, l’intérieur de votre corps, le vrai intérieur, un vrai mélange de toutes les indications extérieures.
Imaginez, si vous pouvez, ce que vous pouvez prendre si vous avez le courage de prendre les indications de la terre. Vous pouvez jouir des indications.
dimanche 1er mai 2011, par