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poésie et politique

lors d’une rencontre avec Marie-Célie Agnan organisée par Marie Bourjea et Line Colson, face à la colère de cette femme impressionnante lorsqu’elle parle de l’histoire d’Haïti, j’ai posé une question : comment faire pour dire clairement (c’est ce mot, employé à plusieurs reprises, qui m’a fait réagir) un certain nombre de faits/événements historiques dans un texte littéraire qui est par définition ouvert, trouble, multiple, d’autant plus vivant qu’il résiste à un sens "clair", identifiable, qui autoriserait, une fois cerné, à jeter le bouquin, épuisé, à la poubelle.
Elle a réfléchi un assez long moment et m’a répondu : réécriture.

Vider son sac avant d’écrire. Le vider sur la table avec ses opinions, idées, préjugés, grandes vérités et sales petits secrets. Ensuite réécrire c’est à dire construire c’est à dire écrire. Ne sauver que le flou/fou. La violence est là, qui irrigue, nécessaire, mais elle n’est pas au premier plan. Au premier plan : l’écriture.

Et je pense (forcément) à Flaubert "On s’extasie devant la correspondance de Voltaire. Mais il n’a jamais été capable que de cela, le grand homme ! c’est à dire d’exposer son opinion personnelle !"

Ne pas renoncer à mordre mais le faire en mettant les formes. Ce qui donne tout autre chose, on fabrique alors de la complexité, celle de l’organisme vivant que doit être le texte si l’on a cette ambition (carrément dingue)(j’avoue) : qu’il existe par lui-même, en soi.

Toutes ces questions sont à l’oeuvre dans ma réécriture de Poreuse. J’en bave, me déteste, sabre, trop de bavardages, trop de commentaires, et même des opinions personnelles, c’est dire ! cette volonté de dire, c’est écoeurant, d’où la hantise de la médiocrité, le dégoût, profond, de soi, mais ce n’est pas nouveau.

Pour se donner du courage dans la bataille, relire Michaux

LE GRAND COMBAT

Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu’à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l’écorcobalisse.
L’autre hésite, s’espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C’en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s’emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.

et cette phrase de François, qui me ferait plutôt trembler (aussi utile que la violence, dans toute entreprise) : "Un écrivain est quelqu’un qui sait se relire".

mardi 29 mars 2011, par Juliette Mézenc

Messages

  • Pour moi ce dont du parles, me rappele Roger Vailland, qui a échoué en écrivant Drôle de jeu — trop de thèses politiques, de vains bavardages — et a réussi en écrivant 325.000 francs, simplement en décrivant l’action, les personnages, très simplement.

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