on a travaillé à reconstituer une "première fois" oubliée (le sujet de rédaction qu’a eu mon fils dernièrement "racontez une journée inoubliable" est à la source de cette subite inspiration).
Une journée oubliée comme un papier gras laissé là sur la plage, au détour d’un pavé de galets.
Journée sans empreinte, lisse et plate comme un lac.
C’était quand cette journée ? Serait-ce la première fois que je l’aurai oubliée comme les premières fois où j’ai réussi quelque chose.
J’ai toujours tendance à oublier la lumière et me souvenir de l’ombre, facheuse tendance vraiment !
Cette journée je l’aurai prise dans un papier de soie comme pour l’emprisonner.
Et je la respirerai comme un parfum, cherchant son odeur à défaut de sa forme, de souvenirs ou de détails.
Je la colorerai aussi de bleu, bleu comme un ciel ou ne glisse aucun nuage, aucun obstacle, bleu comme la mer mais une mer où ne nage aucun poisson.
Oh secours Mary Poppins fée de mon enfance peux tu la dessiner à la craie ?
Tu n’as qu’à l’inventer me souffle-t-elle comme pour la première fois où tu as oublié, ou tu t’es peut-être oubliée ?
Ok.
J’étais devant une gare.
Sac bleu à mes pieds.
Mal coiffée comme la tête d’un singe ébouriffé.
Je mangeais des pop cornset j’attendais quoi ?
J’ai oublié.
Mais bon je vous ai dit que j’allais inventer.
J’attendais l’heure précise où la grande aiguille s’alignerait sur la petite et où je pourrai faire un pas.
Puis plusieurs.
Dans la destination que je choisirai.
Pour un endroit qui me conviendrait.
Et pour la première fois je me sentirai Maitre de mes souvenirs, créateur d’un monde en parenthèse.
Tiens ce serait la première fois que je réussirais cela !
Alors plus besoin d’attendre, plus besoin de l’horloge, plus besoin ...de rien !
J’alignerai mes pas , hélerai un taxi, monterai sur le toit d’un immeuble ou sur le plus haut étage de la Tour Eiffel.
M’assiérai la
Sereine
Sans souvenir aucun.
Ah que c’est bon l’oubli.
Etre là, juste là, posée entre ciel et terre.
Et se dire : j’ai réussi cela !
Pasqua Lina
Premier baiser, juste oublié
Mémoire du toucher, juste oublié
Une bouche qui se dessine, la couleur est rouge
Non je n’ai pas oublié
Elle dessinait son contour, appuyait sa chair pulpeuse,
Etalait par un va et vient répété, plusieurs fois, cette matière grasse et colorée
Prétexte à sourire, à baiser, une odeur bonbon se collait sur ma joue d’enfant
Oublier, certainement pas, ces premiers baisers colorés.
Le miroir qui aidait cette mise en portrait me renvoyait à ma propre image d’enfant, trop pâle, trop rose.
Le rouge attestait de sa féminité que je convoitais, que j’espérais.... mais je n’avais que 9 ans.
Souvenir érotisé, plus tard devant ma glace, je laisse courir ma main maladroite
Tellement peur de me clowner
Un souffle chaud, haletant, incite ma main à plus de précision
Lèvres encore trop fines qui n’ont pas assez désiré.
Premier baiser coloré qui laissaient sur ma joue l’empreinte de l’être aimé.
Deux bouches sur un seul visage, Chagall, Picasso ou plutôt Dali
Je devenais la muse, le portrait irrationnel, la fille aux deux baisers.
D’abord les couleurs : le bleu du ciel rejoignant la mer, le sable clair à l’infini, et levant les yeux : Tanger, blanche, si lumineuse. J’ai 8 ans, je sens la gaîté autour de moi, je suis en train de faire une grande marche sur cette plage avec mon père et 2 de mes amis. Première ballade sans l’autorité maternelle, l’insouciance, la décontraction en font une journée particulière. J’ai l’impression de me dédoubler, de voler…
Levant à nouveau les yeux sur la ville, les souvenirs s’emballent : première visite au « Grand Socco », une foule dense, des étals variés, une architecture particulière, et surtout une vie qui foisonne, des sons, les gens s’apostrophent, se répondent, rient, pas de rigueur…. Emerveillée, je marche, admirative, tout en enviant cette foule au naturel si réconfortant.
Cécile
vendredi 25 février 2011, par