mot maquis

 

Accueil > ateliers d’écriture > à pleines mains

à pleines mains

je disais récemment ici la joie ressentie à travailler avec les pensionnaires de la maison de retraite de l’hôpital de Lunel et du Logis de Haute-Roche à Boisseron. Lors du premier atelier, je leur avais demandé de me confier leurs mains après avoir parlé des miennes et lu des textes de Cécile Portier que vous trouverez ici.
Un grand merci à l’équipe de la médiathèque et plus particulièrement à Sylvain et Catherine ainsi qu’à tous ceux/celles qui aident les participants au cours de la séance (je pense à Marion et Françoise bien sûr mais aussi à ceux qui plus ponctuellement veulent bien prêter leur yeux et leurs mains aux pensionnaires qui ne peuvent écrire seuls), un salut chaleureux à tous !

Cet atelier est mené dans le cadre de la Caravane des 10 mots, action coordonnée en Languedoc-Roussillon par Marie-Noëlle Esnault.


Quand j’étais jeune, je tricotais à la main. Quelques années plus tard j’ai acheté une machine à tricoter. J’ai encore la robe tout en laine que j’ai tricoté pour ma fille ainée. Elle doit être enveloppée dans un carton.

Yvette L.


Mes mains sont raides pour attraper les billets, c’est à force de conduire le tracteur qu’elles sont devenues raides.
J’ai beaucoup travaillé avec mes mains, pour attraper les taureaux, j’étais bon pour ça, j’ai même pris des coups de corne dans les mains, quand je cocardais sur les chars. Les femmes aimaient les gardians et moi j’aimais les femmes, comme tous les hommes. On m’avait mis dans une école de curé à Montpellier, je n’ai pas fait curé mais je reste croyant.

Prudencio


J’étais fonctionnaire donc un petit écrivain dans le service du trésor.

René


Mon travail à la manufacture des tabacs à Marseille : Je prenais les pinces, je travaillais le papier, je changeais les bobines.
La première fois j’ai eu la main ouverte à cause d’une machine. Une autre fois je me suis pincé un doigt.
180 paquets par minute
J’ai fait des jours et des nuits de tricot et de couture. J’ai appris à tricoter avec deux morceaux de canne de bambou et de la ficelle.
Je bourrais avec de la mousse des poupées en laine que j’avais tricotées. Je relevais le patron sur des catalogues de poupées pour les offrir à des amies.
Mon mari était très manuel. Il faisait de la sculpture, et il écrivait des textes, des poésies, des pièces de théâtre…

Irène


J’admire les dons de certaines amies qui se sont mises à la peinture sur porcelaine ou soie.
Moi, à part le tricot et un peu de broderie, je suis assez maladroite et pas bricoleuse, à mon grand regret. J’aime m’occuper de mes ongles et juge mal les dames au vernis usagé.
Ayant eu une paralysie à la suite d’un AVC je ne peux m’occuper de mes ongles comme je le faisais autrefois avec plaisir devant la télé, un passe-temps indispensable.
Dans mon désœuvrement actuel l’envie de faire certaines choses m’a quittée.

Odette


ça me rappelle mon volant et mes années de routier international. Donc j’ai beaucoup travaillé avec mes mains.
ça me rappelle l’accident où j’ai arraché mes doigts. En sortant des palettes du camion je me suis pris les doigts dans les cagettes. J’avais 18 ans à l’époque de l’accident. Tout de suite après l’accident j’ai reconduit.
Mon camion me manque.
J’aimais mon travail plus que d’autres.
La route (silence), c’était le ciel (bras ouvert et regard vers le haut), qui me tombait sur la tête quand ça s’arrêtait.

Fernand


Mes mains me rappellent les longues soirées d’hiver où on dépouillait le maïs à l’automne. Plus il y avait d’hectares plus le travail était intensif : tailler la vigne, ramasser les sarments. Dans les fêtes locales mes mains applaudissaient les danses nouvelles.

Marie-Denise


Les mains quand elles sont sales, il faut les laver. On peut manger avec les mains qui tiennent la cuillère.
On peut cuisiner avec les mains et pétrir la pâte à pain.

Joseph


Dans le métier que je faisais, je me servais beaucoup de mes mains, j’étais ouvrier porcher depuis 1986 et de 1986 à 1990 à Saint Laurent d’Aigouze 30220
J’étais seul dans la porcherie, je travaillais 7 sur 7, je donnais à manger aux bêtes, faire le nettoyage des salles, mes mains me servaient à tenir le manche de la raclette qui était assez rude après les soins aux truies (mères) et porcelets, faire les saillies et certains jours les naissances (mises bas, l’après-midi, certaines semaines la castration et le tout tout seul.
Certains après-midi, je faisais du karcher, c’est-à-dire nettoyer la maternité (salle mise bas) pour rentrer les truies le lendemain (12) et cela toutes les 3 semaines (1 semaine le sevrage séparer les truies (mère) des porcelets) l’autre semaine les saillies, la 3ème semaine les mises-bas et ainsi de suite.
Distraction, loisirs sorties de la maison de retraite, comme aujourd’hui à la médiathèque de Lunel. Loto toutes les semaines jeux de mots. Lecture à haute-voix. Ecriture de contes, Lectures de livres. Donc je me sers encore beaucoup de mes mains à tourner les pages et à tenir le stylo.

Louis


J’ai appris à faire la cuisine et à faire des gâteaux et beaucoup d’autres choses.
Gâteaux citron, orange et banane
Cake citron, orange, banane et yaourt.

Henry


Il faut beaucoup de courage et supporter le mal du mieux qu’on peut en pensant qu’il y a plus grave que ça tant qu’on s’en sert mes mains m’apportent la joie de pouvoir m’en servir c’est un bien de pouvoir m’en servir tous les jours c’est un bien précieux pour la vie de tous les jours on en a besoin tout le temps elles tout elles parlent il faut les protéger du froid l’hiver mettre une crème pour les adoucir. Merci à mes mains !

Yvette P.


En écho, cette série de textes écrits par L. (en partie dans l’atelier ouvert à tous qui a lieu tous les samedis à Sète). Merci à elle.

Fenêtre sur…

Elle est seule, toute seule. Couchée sur son lit.

Ses yeux regardent ses mains. Ses vieilles mains toutes ridées, toutes fatiguées, posées là sur son ventre.

Rien à dire, rien à faire.

Attendre. Toujours attendre.

Pourquoi ? Pour qui ?

La pièce est nue, froide, impersonnelle, inhumaine.

Ses yeux, tristes et décolorés, se lèvent. Le mur.

Bizarre, le mur, lui n’est pas nu, ni froid, ni impersonnelle, ni inhumain.

On dirait qu’un enfant s’est amusé à poser côte à côte, des tâches de lumière.

Il ne les a pas posées n’importe comment. Non. C’est une géométrie rationnelle mais incompréhensible pour elle.

Elle fixe ce vitrail de lumière.

Son regard vide se met peu à peu à vivre. Elle traverse petit à petit ces couleurs.

Ce mur n’est pas un mur. C’est une fenêtre.

Elle s’y penche. Lentement d’abord. Son corps, son esprit sont attirés ; comme happés.

Puis tout s’accélère, se bouscule.

Derrière elle voit l’invisible. Pour les autres, invisible. Mais pas pour elle.

Le carrousel de sa vie tourne, tourne, tourne et l’emmène.

(19.02.2010)


Mes mains

A ce jour, elles sont deux.
Une droite. Une gauche.
Terminaisons de deux longs tubes articulés au tronc, lui-même relié à une tête pensante.

Une droite. Une gauche.
Deux bras. Deux mains.
Tiens, je me demande : « Si j’en avais une troisième, où pourrait-elle s’arrimer ? ». Faut que j’y réfléchisse !
Mais pour l’instant : deux mains.

Elles sont larges, très larges. Peut-être un peu trop large pour des mains de femmes.
Mais, pour l’instant : je n’y peux rien.
La réduction totale ne se fera que le jour du feu d’artifice final.

Le dessus est parcouru par de multiples ruisseaux d’or bleu.
Des canaux, ordonnés par un architecte expert en géométrie variable, renferment les cordes de la danse des mains.
Tango entrecoupés de twist pour le quotidien,
Slows sensuels pour les caresses,
Valses tourbillonnantes pour l’écriture.

Les doigts ressorts, longs, fins dans leurs épaisseurs sont terminés par des ongles, roses, jamais colorés, coupés avec soin, signes extérieurs de richesse. En vitamine.

Les articulations sont grignotées lentement mais sûrement par dame Arthrose.

Certes, douloureux, très douloureux par moments, mais réconfortant car preuve que je ne les ai pas oubliées ou abandonnées quelque part.

L.
(26.02.2011)


Elles

Lui, la soixantaine.
Elles, la soixantaine.
Il a été fidèle.
Elles ont été fidèles.

Il les a apprivoisés.
Elles, soumises, ont connu le supplice du feu et du fer.
Il les a aimées.
Elles portent les traces de la douleur.

Fidèles… Infidèles…

La révolte a grandi dans sa tête.
Tout se perd dans la tempête.
La rébellion a vu le jour en elles.
Tout se mélange dans la désobéissance.

Il est là.
Il les regarde.
Il tente désespérément de retrouver la fusion originelle.

Elles sont là.
Elles le supplient.
Elles fuient noyées par les larmes et la honte.

Il se réfugie dans son passé.
Elles regardent vers un avenir plein de vide.

Rien à l’horizon.

Il les oublie.

Comme le reste…

L.
(03.12.2011)

lundi 21 novembre 2011, par Juliette Mézenc

Licence Creative Commons
les images et les oeuvres numériques du site sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
ISSN 2428-6117
.