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et voici un texte de Jacques Bon, détective, explorateur, argentique.phile mais loin d’être borné. Il est aussi et surtout photographe.
Bienvenue sur mot maquis, Jacques.

Selon le principe des vases communicants, vous trouverez un (tout petit) texte de moa sur cafcom, le blog de Jacques.


Autochromes

J’ai toujours connu les autochromes.

Je n’ai appris que très tardivement, leur principe, génial dans sa simplicité et sa réalisation : une émulsion noir et blanc sur une plaque de verre. Là-dessus, on couche une fine couche de fécule de pomme de terre, dont les grains sont teintés en orange, en vert, et bleu. Entre les grains colorés, du charbon de bois. Tout ça coulé dans de la résine.

À la prise de vue, la lumière traverse la fécule colorée, qui fait office de filtre de sélection de couleur, avant de frapper l’émulsion panchromatique. À la projection, elle repasse dans l’autre sens : on a une photographie en couleurs.

La magie des autochromes est dans la subtilité des teintes, leur douceur, et cet aspect pointilliste qui évoque Seurat.

Je les ai toujours connu, car dans le meuble à apéritifs de mes grands-parents, il y avait une boîte en carton merveilleuse, qui contenait quelques vieux appareils photo : le Kodak Vest Pocket de ma grand-mère, qu’elle avait emmené jeune fille en Angleterre, le voyage unique de sa vie, un folding Zeiss Ikon 6x9 ayant appartenu à ma tante (un jour, je le cannibaliserai pour le transformer en agrandisseur) et surtout, un Glyphoscope Jules Richard et sa visionneuse en acajou, qui est toujours dans ma bibliothèque.

Le Glyphoscope était un appareil stéréoscopique, qui permettait donc de faire de la photographie en relief. On regardait les plaques dans la visionneuse, et c’était hallucinant de vérité. Cela venait d’un de leurs amis, peintre du dimanche, un certain Gustave Aubain.

La plupart des plaques étaient en noir et blanc, et représentaient des vues de voyages, sans grand intérêt, mais aussi de l’Alsace pendant la guerre de 14-18.

Et quelques autochromes : souvent très sombres, car le Glyphoscope ne disposait je crois que d’une seule vitesse. Des soldats, tirailleurs sénégalais, c’était écrit entre les plaques, et celui-ci, dont ma grand-mère était très fière : le Président Émile Combes, devant l’Élysée.

Du moins c’est ce qu’elle disait. Car s’il était bien Président, le petit père Combes (celui de la séparation de l’Église et de l’État) c’était du Conseil, et non de la République. J’ai cherché vainement les mêmes détails d’architecture sur les photos de l’Élysée que j’ai pu trouver. En revanche, ça ressemble très fort au Palais du Luxembourg : donc, le Sénat.

Je ne sais pas pourquoi cette photo avait pour moi aussi de l’importance. Je ne connaissais évidemment pas Émile Combes, et des photos de Président ça n’avait pas forcément d’importance. Juste que cette photo-là, ne ressemblait à rien de ce que je connaissais en matière de couleur.

Plus tard j’ai connu les autochromes de Lartigue, ceux de la fondation Albert Kahn, de la librairie du Congrès... et chaque fois, quel que soit le sujet de la photo, je m’arrête dessus. Fasciné par le procédé, par ces petits grains colorés de pomme de terre, qui renferment un monde à jamais disparu, et qu’on ne reverra jamais. Parce que le monde a changé, et qu’on ne sait plus fabriquer les autochromes : il s’agissait d’un procédé rustique, mais cependant industriel. On peut en fabriquer en labo de recherche, mais quel industriel aurait le courage, ou la folie, de relancer une chaîne de fabrication ?

Je n’aime pas la photographie couleur, pour deux raisons :
- si je perçois les couleurs normalement comme tout un chacun, je ne « vois » photographiquement, qu’en Noir et Blanc ;
- depuis tout gosse, la photographie en couleur, pour moi, ce sont ces tons pastel, et ces petits grains de rêve coloré : pas le Kodachrome, et encore moins les images synthétiques issues de nos modernes appareils digitaux.

À bas la calotte ! Vive le petit père Combes !


Pour les autres vases communicants, suivez notre chère Brigitte...

vendredi 1er juillet 2011

Messages

  • j’avais lu "autotchtones"... Mais n’importe, j’adhère - à bas la calotte en effet... (mais j’aime les photos en couleurs et numérik quand même) (euh, la simplicité du principe, peut-être pour vous hein...)

    JPEG - 487.3 ko
    • je suis désolée, il y avait une photo (autochrome ?) dans votre message mais elle a disparu une fois le commentaire validé... Si vous me l’envoyez par mail je pourrai l’insérer d’une façon ou d’une autre
      juliettemezenc@gmail.com
      et merci de laisser votre nom

    • Texte écrit à la bourre, je regrette effectivement le "je n’aime pas la photographie couleur". Il est évident que c’est une affirmation idiote... Le talent peut s’exprimer en noir ou en couleur, en argentique ou numérique, là n’est pas la question. Disons que ma sensibilité me porte davantage vers le N&B, qui amha laisse une plus grande part à l’imaginaire que la couleur qui "colle" trop à la réalité, et n’a pas la "matière" d’un tirage N&B. Sauf, précisément, les autochromes, les polaroïds...

  • Travaux et rangement ce week-end, et la re-découverte du vieux Kodak de mon père, un argentique modèle "rétinette f", dans son étui de cuir épais, marron, et dont je me servais encore lorsque j’étais adolescente, par nostalgie. Al’arrière les plaques de réglages en métal, à glisser suivant le choix de la pellicule pour indiquer les réglages. Tout était manuel bien sûr. Et je retrouve sur internet l’origine de cet appareil, populaire dans les années 50.
    Merci pour votre joli texte qui m’a fait m’arrêter sur cet appareil que j’avais devant les yeux et que je ne voyais plus.

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